Nous
sommes ici au bord de la mer noire, dans cette belle et balnéaire ville de
Constata. Les touristes commencent à affluer au plaisir des commerçants. Ce
soir il y aura une énorme fête qu’on a intitulé « Neversea, Island of
Dreams ». Des dizaines de chapiteaux ont été monté à l’est de la ville,
tout le long des plages agitées par la Mer noire. Ce matin la police semble
préparée, sans en donner l’air, à toute éventualité.
Nous
y sommes depuis hier. Nous avons quitté le camping de Belgrade (1), dimanche,
au km 3009 pour nous diriger vers la Roumanie. La sortie de la capitale serbe
s’est effectuée le plus normalement du monde (Merci TomTom le GPS du Nomadeur).
Nous avons choisi comme à chaque fois les routes « départementales »
dans la mesure du possible. Nous avons traversé les villes de Smederevo,
Pozarevac, et d’autres villes, plutôt villages, comme Grocka, Branceva.
La
route et les vallons se côtoient, depuis Grocka. Beaucoup de vignes et
d’arboriculture (2). Il y a aussi des champs de tournesol qui, décidément, vont
bien nous faire tourner la tête.
À l’entrée
de Smederevo, nous longeons un cimetière ouvert sur la ville (sans clôture,
comme aux États Unis) dont nombre de tombes ressemblent à des maisons
(luxueuses) plus qu’à des tombes. La route est très mauvaise à hauteur de
Kussika : une départementale avec beaucoup de nids de poules, le bitume y
étant très fatigué (se pose-t-il ici comme au Bled la question de la corruption
qui expliquerait cela ?).
À la
suite d’une route départementale (elles sont nombreuses) en lacets, sans fin,
apparaît brusquement (et de nouveau) le Danube, traversant la ville de Golubac,
comme la ville de Taghit (au sud de Béchar) apparaît soudainement à la suite
d’une longue et lassante route, posée au milieu des dunes comme une
bénédiction, ou une offrande. Golubac est une ville balnéaire avec sa forteresse,
très touristique que la route longe comme elle longe le Danube. (3)
Tout
en haut des montagnes, de l’autre coté de la rive, en Roumanie, sont plantées
une dizaine d’éoliennes gigantesques, comme autant de moulins hollandais, mais
blancs immaculés. La route est très belle de Golubac à Donji Milanovac. Elle
longe la Danube. Celui-ci est ici comme l’air qu’on respire. Partout il est.
Sur son flanc ouest, de temps à autres sont posées des ruches, non loin desquelles
des vendeurs proposent leurs produits (ou plutôt celui des abeilles).
À
Donji Milanovac, (4) nous avons décidé, vu l’heure, 18 heures 30, d’y passer la
nuit, le long de la berge du fleuve mythique, mais toujours pas bleu. C’est un
petit village plutôt bien animé, avec ses restaurants et ses cafés. On se
promène le long de la jetée en attendant la tombée définitive du jour. Des
enfants taquinent des chats coutumiers du fait. Des couples se promènent
jusqu’au bout de la ville.
Le
lendemain, nous basculons d’un jour sur un autre – évidemment – et d’un mois vers le suivant, au premier
lundi de juillet. Nous avons quitté le village vers 10h, au km 3207. Nous avons
longé les Portes de fer jusqu’à la frontière avec la Roumanie (5). Le passage
est très rapide. Sympathiques douanier et contrôleur de police. Celui-ci nous a
informé qu’en Roumanie nous sommes obligés de nous acquitter d’une taxe pour
utilisation des routes du pays. Trois € TTC pour une semaine. Pas le Danube à
boire quoi. Mais, car il y a un mais, la tenancière du kiosque (pour être poli)
est une exécrable fonctionnaire, bien assise. Mal polie et mal embouchée.
Passons.
Il
ne nous a pas fallu longtemps pour nous apercevoir que les Roumains, ou du
moins les conducteurs roumains, ne sont pas très respectueux du code de la
route. Tant s’en faut. À plusieurs reprises nous avons frôlé l’accident. Les
lignes continues et plus encore les limitations de vitesse, ils ne connaissent
pas. Oran à côté c’est du gâteau, ou du makrout
bien miellé. Le GPS m’indiquait plusieurs fois que j’étais en zone rouge. À trop
respecter le code, je me retrouvais en tête d’une farandole longue, longue de
véhicules aux conducteurs probablement très en colère du fait de ma juste
conduite. Comme je l’ai précisé, les limitations de vitesse sont décoratives,
aucun respect, alors plus ou moins forcé, je me suis mis de la partie au grand
dam du GPS qui ne voyait (par conséquent) que du rouge « 50 !,
50 !, 50 ! » ne cessait-il de m’alerter. (6)
Dans
la ville de Filasi nous nous sommes arrêtés pour procéder à un change d’argent.
Deux gars de la pâtisserie devant laquelle nous étions en arrêt sont venus nous
apostropher à propos du Nomadeur. Ils ont tout voulu savoir : son prix,
d’occasion, neuf, sa consommation, son constructeur, son intérieur, le reste de
son habitacle etc. Entre Craiova et Pitesti, beaucoup de champ de tournesols et
de blé à perte de vue. Nous avons passé la nuit à Pitesti au bord de la
rivière Raul Doamnei et sans les moustiques, quel bonheur. À propos de
change, les dinars serbes ne sont pas reconnus… nous avons mis la musique,
tiens, c’est Elton John. Un jus de raisin l’accompagne. « Daniel is traveling
to night by the train, Daniel my brother, your are other than me… » À la
suite de Neil Young c’est pas facile. L’un et l’autre font défiler les années
bonheur, les années 20 ans qui s’impriment sur le présent, le reléguant même –
que c’est étrange – à l’arrière plan du
réel. Et l’émotion vous étrangle. Pour quoi (ou pourquoi) précisément, vous
n’en savez rien. Ça monte, Ça monte... et c’est le temps qui vous écrase
jusqu’à oublier le présent et cela n’est pas juste.
Je
vous ai parlé il y a quelques jours de Pierre Philosophale et de Ibn
Hayyam … (post n° 3)
Savez-vous
(non évidemment) que ce périple que je vous déroule jour après jour fut
longtemps un projet, et même un rêve avant d’être un projet. L’atteinte de son
point culminant (que je vous annoncerais plus tard) est mon Hadj en quelque
sorte (en quelque sorte), mon pèlerinage d’une certaine manière. Je vous en
dirai plus plus tard. Sachez simplement que le point de départ s’inscrit dans
le village de Tamentit dans le désert d’Adrar et dans le puy de Dôme, à
Vulcania… et chez Ibn Battouta. Mais pourquoi tout dévoiler
aujourd’hui ? Laissons les choses et le temps se présenter dans l’ordre de
l’ordre.
Mardi
au petit matin, nous abandonnons Pilesti pour entrer, via l’autoroute sur la
capitale roumaine. Au premier coup d’œil on la trouve trop bruyante, un
capharnaüm (rappelez-vous l’irrespect du code de la route), une cuvette
bouillonnante sous 38° à l’ombre et pas un brin d’air tout le temps que nous y
sommes restés. Un petit tour au Palais du parlement, ancien fief du
Conducator, quelques bâtiments modernes, l’église Coltea près de l’hôtel
Continental (angle des Bd Regina Elisabeta Caroll et Gen Magheru Nicolae
Balcescu). La vieille ville de Bucuresti, le quartier de Lipscani, avec
l’Université, le Musée d’Art national, l’église de l’annonciation (de
nombreuses personnes qui passent devant une église se signent, hommes ou
femmes, jeunes ou moins jeunes)… et ses nombreux restaurants et bars (un petit
goût de la rue de la Huchette). Nous nous glissons dans l’un d’eux. Devant
l’église Saint Démétrios de serment » (Biserica Stanful Dumitru, de
jurâmant) un vieux monsieur joue de l’accordéon sans rien dire, demander.
Probablement pour le plaisir ou la foi. Le soir du 2, nous avons décidé de ne
pas rester dans Bucarest étouffante. Direction l’Est. C’est dans la ville de
Branesti que nous posons nos bardas.
La
nuit fut très agitée. Le lieu où nous nous sommes posés est en fait, un
lieu commun aux habitants, une sorte de
lieu de rendez-vous d’amis. Nous avons échangé un peu avec des jeunes qui
écoutaient de la musique plutôt albanaise ou turque que roumaine. La langue est
parfois une barrière et les gestes seuls ne suffisent pas. L’échange fut assez
court. Et si la nuit fut agitée c’est parce que le nombre de personnes venues à
ce carrefour a été décuplé jusqu’au milieu de la nuit. Le village en question
est très petit. Nous l’avons quitté mercredi matin, dès le déjeuner avalé.
C’est alors que nous nous sommes aperçus que nous côtoyions une sorte de parc à
chiens utilisé lors de compétitions. Mais tout cela reste à confirmer auprès de
jeunes (ou moins jeunes) pouvant correspondre.
Nous
nous sommes laissé tenter par l’autoroute (départ au km 3660), les routes
secondaires nous auraient fait perdre beaucoup de temps. Malheureusement durant
tout le premier tiers de l’autoroute, et comme nous l’avions déjà constaté par
ailleurs, la route n’est pas recouverte de bitume de manière continue. Ce sont
des plaques de béton de 3X4 mètres posées les unes à côté des autres et cela
fait des soubresauts continus, insupportables. De part et d’autre de
l’autoroute, ce sont des champs de blé moissonnés à perte de vue ainsi que des
champs de tournesol. De temps à autre, sur des murets, près de ponts un drapeau
roumain dessiné à la peinture, accompagne ce slogan « Bessarabia e Romania »,
parfois avec un point d’exclamation. Je n’en ai pas saisi le sens. 80 km avant
d’arriver à Constanta, nous sommes surpris par un péage qui, n’a pas, nous
semble-t-il, été indiqué. Bref 13 LEI (un peu moins de 3 €) à payer et nous
voilà quasiment dans les environs de la capitale de la Dobrogea. Nous nous
sommes posés près de la Marina, alors même qu’une gigantesque fête se préparait
pour le lendemain et pour plusieurs jours : « Neversea, Island of
Dreams ». Aussitôt nous sommes allés à la découverte du port et des
hauteurs de la ville (cathédrale orthodoxe Apostoli Petru Si Pavel, la mosquée
Carol 1, (Mahmoud 2) aux 140 marches, le musée archéologique…) Nous avons été pris par un orage
des plus tonitruants et mouillants… Et ce fut le cas pour la plupart des
badauds étourdis. Nous avons rejoint en courant Le Nomadeur, pieds nus et
complètement trempés.
Ce
matin, c’est presque l’effervescence. Les préparatifs de la fête battent leur
plein. Nous retournons au cœur de la ville, un petit tour à proximité des sites
que nous avons visités hier… La place Ovidius, La rue piétonne…
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