Nous
sommes stationnés dans le petit port de Trabzon. Nous y sommes depuis avant-hier.
Nous avons quitté Amasra au km 5110. Le jeune homme du Han Cafe nous a dit deux
choses, la première est que ce que nous entendions des haut-parleurs, et que
d’autres entendaient ailleurs, en d’autres rues et places, était des annonces
destinées aux résidants de la ville diffusés par la mairie
« baladiyesi » de Amasra ; ce type d’annonces nous l’avions
constaté dans d’autres villes comme à Safranbolu et cela nous avait étrangement
plongés dans la Chine coco, la deuxième chose est que la météo prévoyait pour le
lendemain une journée extrêmement pluvieuse pour toute la région, un véritable
déluge. Cela tombait bien, nous avions prévu de ne pas y rester.
20190710 port de Amasra |
Dans
la journée nous avons fait quelques courses. Le pain rond est très bon et pas
cher (2 TL. 1€ = 6.23 TL), plus encore le Simit (sorte de bretzel, mais peu
salé) qui se prend avec le café ou le thé. Nous avons également acheté des
fruits et légumes, mais pas ces sortes de boudins pas très ragoûtants
- Saucissons halal-sur la route de Cide |
… Sur la grande place trônent les portraits d’Attaturk (on le
voit souvent), images immenses tout comme la statue de bronze.
A AMASRA COMME PARTOUT, ATTATURK |
Nous
avons pris la route côtière en direction de Sinop. Malgré les nombreux virages
en lacets, les montées et descentes à 10% (ici on écrit « % 10 »), la
route est correcte. Les paysages sont saisissants de beauté. La Turquie n’a
rien à envier aux magnifiques espaces autrichiens ou allemands. J’y ai
personnellement retrouvé un identique à l’environnement oranais de Aïn Franin
et Kristel. Mais comment le décrire ?
Les
montées et descentes nous ont donné des sueurs froides, et le souvenir
autrichien (la route à 18%) nous revenait sans cesse. À la première ville en
bordure de mer, nous nous installons pour y reprendre nos esprits. Et comme
souvent en Turquie, nous y avons trouvé un espace réservé aux sorties, pique-niques…
Nous nous sommes installés à Cide.
- A Cide - aire de pique-nique |
Le temps a finalement tourné en une massive
pluie d’orage durant une bonne heure. Des chiens allaient et venaient autour
des véhicules en stationnement. Les gens leur offraient des gamelles d’eau, des
morceaux de nourriture. Certains chiens sont badgés à l’oreille, nous a-t-on
expliqués, indiquant ainsi qu’ils sont suivis par des équipes vétérinaires, et stérilisés.
Au Bled, les chiens errant sont le plus souvent hélas, battus, chassés par des
gamins oisifs, et détestés par les adultes (enfin, pas tous heureusement). Nous
avons laissé Cide à la prévision météorologique, telle que nous l’avait avancée
un garçon de café pour aller à Amasra. Mais la prévision se renouvelle ici.
Nuages vers Seydiler |
Nous nous sommes dirigés vers Seydiler, à l’intérieur du pays par une route
large, sans rapport avec celle de la veille. Au sommet Dagü, à 950 mètres, nous
avons fait une halte sous les nuages accrochés aux montagnes. Nous avons
bénéficié, si vous le permettez, d’une déclinaison de 10% sans avoir chaud,
largeur (et double voie avec possibilité éventuelle de manœuvrer large) oblige.
Petite mosquée sur la route |
De temps à autres sont disposés, sur le bord de la route, de petites mosquées
(une pièce d’environ 10M2) avec minaret proportionnel. Non loin d’Agli nous
avons échangé avec la personne en charge de l’entretien. Le mot
« échange » est abusif, nous avons à peine dit quelques mots, chacun
dans ses gestes et sa langue, même si, depuis notre arrivée nous savons dire
Bay (homme), Bayan (femme), evet (oui), günaydin (bonjour), Tesekkür ederim
(merci) anlamiyorum (je ne comprends pas) – merci le Routard !
En direction
de Taskoprü, des bottes d’ail (aulx) sont ramassées dans les champs et vendus à
proximités (10 TL, 1. 50 € pièce) à l’intérieur de cabanes toutes colorées de
rouge appuyées par un inévitable drapeau turc. Le nombre d’étendards tendus aux
fenêtres, plus ou moins grands, concurrence ceux de la Croatie. Peu de
circulation depuis que nous avons quitté Cide jusqu’à Gerze. Il a plu au sommet
des montagnes jusqu’à Kastamonu. La pluie a repris de plus belle à Hanonu
jusqu’à Gerze sans discontinuer. L’hiver en été. Le lendemain nous avons quitté
Gerze pour le camping de Ünye où nous
nous sommes installés sur un sol trempé.
COOOOOL....Camping Uzunkum- Ünye- 20190712 |
_ Camping Uzunkum- Ünye- 20190713 |
Un seul client, un Estonien perdu. Et
nous. Puis sont arrivés des Allemands. Alors que nous, nous nous orientons vers
l’Est, eux en arrivent et trouvent que la région frontalière turco-georgienne,
n’est pas attirante. Nous souhaitions prendre une photo-clin d’oeil au niveau
de l’entrée du village Ahmetoglu, mais nous l’avons raté. La plupart des cônes
des minarets sont de couleur verte avec plusieurs de ses nuances, ils sont
aussi de couleur bleue, blanche, grise, or…
Entre
Bafra et Samsun sur les terre-pleins de la route qui traverse plusieurs villes,
sont accrochés à des lampadaires, des dessins figurant des volatiles, parfois
des photos. Notre vocabulaire local s’est ainsi enrichi des mots d’oiseaux
(très convenables) : Sütre yöukkuztgen, Saza horozu, Bymamhibasten, Kara,
Kiskuzu (Quiscale), Angit (Angiti, le plus répertorié), Kenakliklikli. Le nom
exact de ce dernier n’est pas garanti.
Des
transporteurs routiers oranais (Karsan…) ont de qui tenir. Les chauffeurs de
petits véhicules de transport roulent comme des fous, s’arrêtent un peu
n’importe où. Les immatriculations des voitures turques sont identiques à
celles qui prévalaient (et qui prévalent encore un peu) en France :
14_BY_641… Sauf que le « 641 » turc n’est pas un département comme le
signifient les derniers chiffres de l’immatriculation française précédente (en
fait, c’est ce que je pense, en réalité je n’en sais rien).
Depuis Ünye, la côte de la Mer Noire semble
être plus riche. L’architecture des immeubles, la route qui longe les villes et
le bord de mer, ainsi que les animations nous font penser, relativement et
toute proportion gardée, à la Côte d’Azur.
Dans
certains longs virages, à proximité des villes, une quantité impressionnante de
feux clignotant (20, 40, plus ?) nous indique la dangerosité de la zone et
nous invite par conséquent à la vigilance, « Yavas, Yavas ! » (
le terme est porté en lettres majuscules et en format triple X sur la
chaussée), mais peu de véhicules en font cas. Ils passent comme des bolides,
chacun y allant de sa frime démodée ou inconscience puérile. Les enjoliveurs de
certains camions, minicars… sont exorbitants, globuleux et nous renvoient aux
jeux antiques, romains.
Nous
nous sommes posés dans le petit port de pèche de Trabzon (anciennement
Trébizonde). Le beau temps semble être revenu. La ville fut fondée par
des colons grecs vers le VII° siècle av. J.-C. Elle fut souvent « un des
centres commerciaux et politiques majeurs de la côte sud de la mer Noire. Au
Moyen Âge, elle fut une étape de la Route de la Soie. » (Pub). Le sultan
Mehmed II s'empare de la ville en 1461
Dimanche
soir, nous étions à notre apéro lorsqu’on a entendu
« bonsoir ! ». Ce sont des Turco-français en vacances dans la
région. Nous avons passé un bon moment à écouter de la musique, à échanger nos
expériences. Ils sont tous deux, Carole et Patrice B., parisiens. Leurs points
de vue sur la Turquie, la politique locale, son histoire… sont tranchés :
des laïcs anti islamistes, contre donc Herdogan et admirateurs « du père
de la Nation », Kemal Attaturk qui vantait le peuple turc en 1922 :
« Peuple de la Turquie, uni par la race, la religion et la
culture… ». J’ai introduit quelques nuances quant à ma perception du
cavalier Attaturk. Nos points de vue sur les stratégies occidentales de domination
en œuvre ici et dans le Moyen-Orient, Maghreb… se rejoignent néanmoins.
Lundi
nous sommes montés au monastère de Sumela.
Monastère de Sumela 20190715 |
Monastère de Sumela 20190715 |
C’est à une cinquantaine de kms
d’ici. Et ça grimpe (6 à 8% environ). Malgré la pluie incessante, les touristes
(beaucoup de turcs et du Moyen-Orient) était très nombreux. Au-delà d’un point
précis,
Monastère de Sumela 20190715_ La route dangereuse |
les véhicules sont interdits. Il nous a fallu dont prendre un
transporteur (minicar). Il ne me viendra jamais à l’idée de prendre la place du
chauffeur, tant la route n’est pas une route, mais un chemin chaotique
impressionnant tels ceux des montagnes d’Afghanistan ou d’Hymalaya que nous
montrent avec jouissance et perversion les responsables de la télévision. Mais
encore, nous avons dû grimper près de deux cents marches glissantes, pour enfin
atteindre le monastère… vide de ses moines. Il est en rénovation. Un patrimoine
inscrit à l’Unesco. Creusé à même la roche, il fut construit au temps de
Théodore 1°.
Dans
la région montagneuse de Trabzon vivent les Lazes, c’est une importante ethnie géorgienne
musulmane à la présence très ancienne.
Le
soir, sur la place principale
TRABZON_ la fête Lundi 20190715 |
une sorte de fête mêlant jeux, sport et
politique, se tenait devant des centaines de personnes et plus encore de
drapeaux turcs. Plus près de nous, sur le petit port, nous avons assisté à une
autre fête avec danses et musiques locales. Nous n’avons pas eu le temps de Visiter le mondialement connu
magasin de couteaux Sürmene et oublié de visiter l'ancienne
église byzantine Sainte-Sophie (aujourd’hui musée).
Ce
matin un vent d’ouest s’est levé. Il rafraîchit l’atmosphère et cela fait du
bien. Nous nous apprêtons à quitter Trabzon en direction toujours de l’Est.
J’ai
parcouru la presse algérienne, les pages FB… Je retiens que le
Mouvement populaire continue. Plus que jamais. Le Quotidien d’Oran (samedi 13)
écrit : « Le slogan-phare de cette 21ème action est « Etat civil et
non militaire ». Et ce, en réponse au dernier discours de Gaid Salah. Les
manifestants tenaient à l'édification d'un Etat civil « Non à la gestion de la
République à partir des casernes », « primauté du civil sur le militaire »
pouvait-on lire sur des pancartes brandies par les protestataires. Les acteurs
de ce mouvement populaire ont appelé à la libération des détenus et des
manifestants emprisonnés : « libérez nos enfants », « libérez Lakhdar
Bouragâa », « libérez les prisonniers d'opinion ». D'autres ont
brandi les portraits des martyrs qui ont sacrifié leur vie pour l'indépendance
de l'Algérie. Les familles de disparus étaient parmi les manifestants en train
de réclamer une justice indépendante ainsi que la vérité et rien que la vérité
sur la disparation de leurs enfants, lors de la décennie noire. » El
Watan vendredi 12 juillet note : « Les manifestants
scandent « Etat civil, non militaire », « Y’en a marre des généraux »
et « Maranach habssine
(nous ne nous arrêterons jamais) ! » et bien d’autres slogans très virulents
ciblant particulièrement le chef d’état-major de l’armée, Ahmed Gaid
Salah. » La veille, jeudi, Lahouari Addi s’interroge sur sa page
FB : « Comment interpréter le dernier
discours de Gaid Salah? C'est
peut-être le discours le plus agressif et le plus mauvais de Gaid Salah depuis
le 22 février. Traiter de traîtres ceux qui demandent un Etat civil contredit
de façon flagrante les différentes déclarations selon lesquelles l'ANP
accompagne le hirak… De mon point de vue, le
blocage va perdurer jusqu'à septembre-octobre. Si les manifestations du
vendredi ne baissent pas en nombre, l'EM va céder du terrain pour discuter des
prérogatives constitutionnelles du futur chef d'Etat à élire qui n'aura pas
cependant d'autorité sur l'armée. Ce serait un compromis qu'une grande partie
de la population accepterait. Ce serait un pas vers la construction de l'Etat
en Algérie… »
Nous avons enlevé (depuis le
premier jour) l’antenne parabolique, aussi, nous ne regardons pas la télé
(française, ni aucune autre). La lecture du soir se referme avec les
formidables pages de Sylvain Tesson. Je note concernant la télé dont certains
journalistes (et leurs patrons) considèrent « qu’une phrase de plus de
douze mots est trop longue pour l’attention du téléspectateur ». Cette
télé où : « … Des débatteurs écoeurants se harponnaient dans des
cases, le nombre de morts d’une émeute arabe défilait dans un bandeau et les cours
du Nasdaq clignotaient dans le coin gauche. Tout le fatras du monde se
résorbait en chiffres… » (in Les amants).
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Il me semble vous avoir demandé de l’indulgence pour l’écriture
trop rapide, peu soignée, c’est une gageure de reproduire convenablement nos
sentiments, impressions et gérer le quotidien… et trouver un moment, un lieu
avec du Wifi à débit correct. Ici, je vous renouvelle la demande.
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