À six heures ce 21 janvier matin, le Terminal est pris d’assaut. Plus d’une dizaine d’autocars s’apprêtent à prendre la route vers Torres Del Plaine, El Calafate, Punta Arenas, El Chalten ou Rio Gallegos.
Nous prenons place (n° 63-64 à l’étage, au fond à droite du luxueux « Turismo Zaahj ») pour El Calafate, à 355 km d’ici et cinq heures de trajet. Le temps est brumeux, à peine s’il fait frisquet. La climatisation embue les vitres. À 8 heures nous atteignons, Cerro Castillo, la frontière. Le no-man’s land que nous traversons n’est pas goudronné. Poussière, nids de poules et compagnie. Les champs clôturés, des exploitations, sont immenses, vides d’arbres ou si peu. On y voit des troupeaux de beaux gros moutons argentins, des lincas, des chevaux, des vaches. On arrive à El Calafate, à la grande auberge, vers midi. El Calafate est un gros village, moins typé. Depuis 2001, avec la construction d’un aéroport, il a explosé. Aujourd’hui, transformé, il compte 25 000 habitants. Ses habitations sont horizontales, peu de bâtiments en dur. Comme dans les autres villes, beaucoup de maisons sont faites de tôles et de bois. Et comme dans les autres villes, les chiens, parfois, s’en prennent à des voitures en pleine ville, courent après elles en aboyant. Les chiens en Argentine (comme au Chili) sont très nombreux dans les rues. Ils ne sont pas du tout agressifs et vivent en bonne harmonie avec la population qui les protège. On les trouve souvent allongés près d’un commerce ou d’une habitation. Parfois des gens les caressent, leur parlent même. Ou leur donnent à manger. On a aussi l’impression qu’ils ne sont pas tout à fait abandonnés, gros comme ils sont. Pour revenir aux chiens coureurs, nous avons pensé qu’ils n’aiment pas leurs congénères lorsqu’ils sont transportés. Car dans les véhicules poursuivis il y a souvent des chiens, qui aboient aussi. Mais il arrive qu’il n’y en ait pas. Nous ne comprenons pas très bien, et nous n’avons pas eu à ce jour de réponse à nos interrogations. Il y a ici des rues et même des champs entiers de plantes, notamment de lavande (eh oui) et de marguerites. Partout. Plus encore dans la belle réserve (type Camargue) « Reserva ecologica municipla Laguna Nimez » que nous avons visitée. Elle se trouve devant notre résidence et s’ouvre sur le Grand lac Argentino. Le cœur de la ville ressemble à n’importe quel autre lieu très touristique avec ses cafés, bars, restaurants, boutiques de souvenirs (et de maté !) et autres vêtements. Les touristes sont locaux, Chiliens, Brésiliens et Européens.
- And you, where you com from ?
- Francia y Algeria
- Algeria ? oh !
Tous ces touristes sont ici à El Calafate essentiellement pour le Perito Moreno et El Chalten. Mais qu’est-ce que ? De hauts lieux, très hauts lieux de Trek et de glaciers. Le Perito Moreno est plus proche. À 50 km environs de route en lacets. Et de montagnes. Le climat nous dit la guide est différent selon que l’on se trouve sur les monts à gauche, secs ou à droite avec beaucoup de végétation et froid.
Le Perito Moreno, dont la surface s’élève à 250 km2, est avant tout un glacier dans la région de Santa Cruz (ici-même donc). Il achève une calotte glaciaire de 16 000 km2 à cheval entre l’Argentine et le Chili. Paroles de Routard. Son nom renvoie à un explorateur français, un « expert » (périto) du nom de François Moreno. Un glacier bien vivant. Si les dunes de Béni Abbès ou de Timimoun chantent lorsque ses milliers de grains de sable se laisse glisser vers le sol, le glacier de Perito Moreno lui, claque comme un pétard, un coup de fusil dans la vallée. On a l’impression qu’un pan va s’écrouler. Et nous ne sommes pas seuls. On le devine aux nombreux touristes (peu attentifs à la préservation de la nature – l’écroulement-réchauffement…) qui, au moment même où on entend se claquement terrible, se redressent avec leur appareil-photo prêts à immortaliser un effondrement de mur. Mais il n’en a rien été. Le glacier demeure debout tel un roc fait d’eau, inouï. Le temps change aussi rapidement qu’on prend un verre. En l’espace d’une demi-heure on peut avoir un temps chaud puis froid puis venteux et pluvieux, voire diluvien. On ne sait comment s’habiller. Les locaux eux le savent. Ils sont bras nus en T shirt quel que soit les caprices du temps. Une partie du glacier est d’un blanc radical. Ici et là des traces marron qui s’apparentent à de la pollution mais qui n’en est pas « c’est un phénomène naturel ». Ailleurs des parties recouvertes d’un bleu extraordinaire, pur, translucide, diaphane.
Voyons les photos et vidéos…
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« Les Patagons ne furent sans doute jamais très nombreux, au regard surtout de l'immensité de leur territoire. Mais ils existaient. Qui étaient-ils? Dans les plaines de la Patagonie continentale, et sur celles de la grande île de la Terre de Feu qui la prolonge, vivaient seuls, avant l'arrivée de Magellan à l'ouvert du détroit, des Indiens appartenant à deux groupes géographiquement, ethniquement aussi, très voisins : les Patagons proprement dits (Tehuelche, Indios Pampas, etc.) sur le continent et, dans la grande île, les Haush et les Ona. Une race assez belle, et vigoureuse, si proche de sa nature et par ses modes de vie des Indiens Peaux-Rouges de l'Amérique du Nord que les ethnologues ont voulu voir dans le peuplement de l'extrême sud du continent américain l'étape dernière de la grande migration qui, de la Sibérie et à travers le détroit de Behring, poussa des populations de l'Asie à « coloniser » le continent voisin : les deux Amériques. Les Patagons de la Pampa n'étaient nullement les géants dont les marins espagnols, à leur retour, tentèrent de confuses descriptions. L'examen des ossements trouvés dans de nombreuses tombes et les mensurations faites des Tehuelche survivant au début de ce siècle ont montré qu'ils étaient de belle taille, bien proportionnés et de constitution robuste. C'est seulement au fait qu'hommes et femmes s'enveloppaient les pieds de peaux de bêtes formant une sorte de mocassin grossier et laissant ainsi dans le sable des grèves de vastes empreintes, que les « Patagones » — les hommes aux grands pieds — durent le nom qui leur est resté. A la suite d'Alcide d'Orbigny, un des ethnologues qui procédèrent à des mensurations d'Indiens des plaines constata, à sa grande surprise, que le pied de certains d'entre eux était relativement petit par rapport aux dimensions du corps! Nomades comme les Peaux-Rouges, guerriers comme eux, à l'occasion, quand des rivalités opposaient des tribus l'une à l'autre, ils vivaient, eux aussi, presque exclusivement de chasse, le bison du Nord étant remplacé dans ces plaines du Sud, par le guanaco, un camélidé proche de la vigogne, et par une autruche de taille moyenne, la rhea ou nandu. La chair des guanacos et des autruches assurait à l'Indien sa subsistance; la fourrure des uns et les plumes des autres lui permettaient de vêtir son corps et de le parer. Ces nomades et la meute de leurs chiens s'abritaient sous des tentes, ou, plus exactement, sous des peaux de bêtes dont ils dressaient l'écran sommaire contre les vents dominants. Les armes de la chasse et de la guerre étaient la lance et l'arc; une arme de jet aussi, très ancienne et propre à ce peuple : les bolas — deux ou trois boules de pierre, d'abord, puis de métal, réunies à un lasso; lancées sur l'animal chassé, elles l'enveloppaient de leur tourbillon tandis que la lanière se liait à ses membres et arrêtait sa course. Avec les Espagnols, le cheval fit son apparition sur le continent qui l'ignorait; les chasseurs indiens l'adoptèrent aussitôt, et bientôt on ne vit plus Tehuelche et Indiens Pampas, hommes et femmes, que montés et nomadisant d'un rio à l'autre, ou galopant, bolas au poing, à la poursuite d'une harde de guanacos, d'un couple d'autruches, ou d'un puma en maraude. »
Jean Delaborde (1901-1997)
PATAGONIA
Mes voyages en Patagonie, en Terre de Feu, au cap Horn et au détroit de Magellan, de 1958 à 1981
Éd. Robert Laffont - Paris- 1981
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« Les Patagons ne furent sans doute jamais très nombreux, au regard surtout de l'immensité de leur territoire. Mais ils existaient. Qui étaient-ils? Dans les plaines de la Patagonie continentale, et sur celles de la grande île de la Terre de Feu qui la prolonge, vivaient seuls, avant l'arrivée de Magellan à l'ouvert du détroit, des Indiens appartenant à deux groupes géographiquement, ethniquement aussi, très voisins : les Patagons proprement dits (Tehuelche, Indios Pampas, etc.) sur le continent et, dans la grande île, les Haush et les Ona. Une race assez belle, et vigoureuse, si proche de sa nature et par ses modes de vie des Indiens Peaux-Rouges de l'Amérique du Nord que les ethnologues ont voulu voir dans le peuplement de l'extrême sud du continent américain l'étape dernière de la grande migration qui, de la Sibérie et à travers le détroit de Behring, poussa des populations de l'Asie à « coloniser » le continent voisin : les deux Amériques. Les Patagons de la Pampa n'étaient nullement les géants dont les marins espagnols, à leur retour, tentèrent de confuses descriptions. L'examen des ossements trouvés dans de nombreuses tombes et les mensurations faites des Tehuelche survivant au début de ce siècle ont montré qu'ils étaient de belle taille, bien proportionnés et de constitution robuste. C'est seulement au fait qu'hommes et femmes s'enveloppaient les pieds de peaux de bêtes formant une sorte de mocassin grossier et laissant ainsi dans le sable des grèves de vastes empreintes, que les « Patagones » — les hommes aux grands pieds — durent le nom qui leur est resté. A la suite d'Alcide d'Orbigny, un des ethnologues qui procédèrent à des mensurations d'Indiens des plaines constata, à sa grande surprise, que le pied de certains d'entre eux était relativement petit par rapport aux dimensions du corps! Nomades comme les Peaux-Rouges, guerriers comme eux, à l'occasion, quand des rivalités opposaient des tribus l'une à l'autre, ils vivaient, eux aussi, presque exclusivement de chasse, le bison du Nord étant remplacé dans ces plaines du Sud, par le guanaco, un camélidé proche de la vigogne, et par une autruche de taille moyenne, la rhea ou nandu. La chair des guanacos et des autruches assurait à l'Indien sa subsistance; la fourrure des uns et les plumes des autres lui permettaient de vêtir son corps et de le parer. Ces nomades et la meute de leurs chiens s'abritaient sous des tentes, ou, plus exactement, sous des peaux de bêtes dont ils dressaient l'écran sommaire contre les vents dominants. Les armes de la chasse et de la guerre étaient la lance et l'arc; une arme de jet aussi, très ancienne et propre à ce peuple : les bolas — deux ou trois boules de pierre, d'abord, puis de métal, réunies à un lasso; lancées sur l'animal chassé, elles l'enveloppaient de leur tourbillon tandis que la lanière se liait à ses membres et arrêtait sa course. Avec les Espagnols, le cheval fit son apparition sur le continent qui l'ignorait; les chasseurs indiens l'adoptèrent aussitôt, et bientôt on ne vit plus Tehuelche et Indiens Pampas, hommes et femmes, que montés et nomadisant d'un rio à l'autre, ou galopant, bolas au poing, à la poursuite d'une harde de guanacos, d'un couple d'autruches, ou d'un puma en maraude. »
Jean Delaborde (1901-1997)
PATAGONIA
Mes voyages en Patagonie, en Terre de Feu, au cap Horn et au détroit de Magellan, de 1958 à 1981
Éd. Robert Laffont - Paris- 1981
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