Fête
nat. donc.
« Non monsieur, il n’y a de Wifi que dans le salon pas encore
dans les chambres. » Je mets à jour Blog et Facebook. J’écris et réponds
aux courriels… Avant de sortir je demande au réceptionniste de l’hôtel où se trouve le Musée
des Beaux Arts. « Tu rends le métro et tu descends à l’arrêt Jardin d’Essais,
après la station Hamma. »
A la dite station un grand panneau indique
« Jardin d’Essais de Hamma ».
Je pose la même question à un policier en faction devant le Jardin.
« En face il y a le Musée Founoun el-Jamila » me répond-il en me
montrant un grand escalier. N’ayant pas saisi, j’insiste « Les Beaux
Arts ». Il reprend « Là c’est Founoun el-Jamila ». Bon. Je
traverse la route, monte l’escalier – 70 marches – De la dernière marche, la
vue est magnifique. Le ciel est dégagé et c’est tout le Jardin et toute la baie
en arrière-plan qui s’offre au regard. Belle et étendue comme des fantasmes
d’un 1° novembre apaisé surgis d’un cliché d’Henri Cartier-Bresson. Je secoue la porte
d’entrée du musée. Il est manifestement fermé. « C’est 1° novembre »
me dit un conducteur bizarre, affalé sur son siège de chauffeur, le regard
alerte, sur le qui-vive, tenant inutilement un journal entre les mains.
Derrière le véhicule, une autre voiture et une pancarte indiquent en arabe et
en français en lettres majuscules : « Il est interdit de stationner
aux abords du Musée. » Il n’y a pas de lettres majuscules en arabe,
autrement on y aurait eu droit. Cette plaque est inutile. Le chauffeur est
peut-être autorisé. Il est peut-être en mission ? Les 70 marches ne
contribuent pas à la sérénité, et mon esprit s’égare. Je reviens au Jardin
d’Essais. Je prends la première des deux entrées, à droite. J’attends mon tour
patiemment. Lorsqu’il arrive, je tends un billet de 200 dinars. « Nous
n’acceptons pas ces billets » me dit le guichetier.
« Pourquoi ? » réponds-je. Vous auriez, vous aussi, certainement
réagi identiquement. « C’est comme ça. Voyez l’autre guichet »
s’impatiente le guichetier du guichet de droite. Je vais au guichet de gauche
(entrée de gauche). J’attends mon tour, moins patiemment. Lorsqu’il arrive
enfin, je tends le même billet de 200 dinars. Même réaction : « Nous
n’acceptons pas ces billets, donnez-moi de la monnaie ». « Je n’ai
pas de monnaie, mais pourquoi refuser mon billet ? » « C’est la
direction qui ne veut pas ». « Je peux parler à la direction ? » « C’est 1° novembre, elle est pas là ». Un
jour, un vieil ami m’avait juré sur ses grandes certitudes que son père lui
avait assuré que Kafka était Algérien. Mon expérience, riche aujourd’hui de
plusieurs décennies, remercie ce père et cet ami de m’avoir mis tôt la puce à
l’oreille. La banque ou le marchand de journaux vous délivrent des billets de
200 DA et une administration de l’Etat (le Jardin d’Essais est une institution
officielle) vous le refuse. Kafka. Sur mon insistance à vouloir comprendre, le
guichetier me tend un billet d’accès (rose) « Entrée N°2 – Jardin
botanique du Hamma - adult (sic) - Prix : 60 DA. Valable le 01-11-15.
00 : 00 : 00 », et me fait signe d’entrer. Et il sourit. Etrange. J’ai remisé
mon billet de banque.
Je
m’engage dans le premier des longs chemins, « Allée des platanes ».
La foule est nombreuse. A croire que tout Alger s’est donné rendez-vous dans le
Jardin. Jeunes, moins jeunes, familles… cris, ballons, bonbons, photos… et klaxons évidemment.
La végétation
est dense. Voici le jardin zoologique. Je n’aime pas les zoos. L’allée des dracaenas très ombragée.
Sur l’un des arbres une pancarte rouge prévient : « Interdiction de
grimper sur les arbres ». Des enfants jouent à Tarzan. Ne savent-ils pas
lire? ou bien sont-ils, ce que je crois, poussés par d'irrésistibles envies d'imiter le vieil héros?
Plus loin le célèbre et géant arbre. L'Arbre de Tarzan. C’est ici en effet, sur cet arbre et
autour, que furent tournées avec Johnny
Weissmuller les mythiques scènes de Tarzan l’homme singe (W.S. Van Dyke, 1932)
et de Cheeta sur des lianes avec la divine Maureen O’ Sullivan…
Je continue: le Carré des plantes autochtones, l’allée des bambous…
Je continue: le Carré des plantes autochtones, l’allée des bambous…
Au
même agent de police (Founoun el-Jamila) je demande s’il connaît La Maison
Abdellatif ? Il lève les bras pour me signifier son ignorance de ce lieu
en me regardant étrangement, « ce type me dit quelque chose » semble-t-il penser. Un jeune qui attendait le déluge ou sa dulcinée, un pied posé
sur un muret, à la manière d’Aldo Maccione, entend notre échange. Il dit en accompagnant
ses paroles d'un grand demi-cercle avec son bras de gauche à
droite, suivi d’un autre de droite à gauche : « Chouf yak ho, tu
prends cette montée, la première à droite non, la deuxième tu tournes. Tu
longes la route sur deux cents mètres, c’est là, tu prends à gauche. » En
moins de dix j’y étais. Moins de dix, peut-être pas. C’est juste une expression.
Il m’a fallu une petite demi-heure (ça monte 6% de dénivelé ou pente).
L’accueil
et la visite de ce bel endroit sont à la hauteur de la renommée de Dar
Abdellatif (Abd El-Tif) ou Aarc (Agence algérienne pour le rayonnement culturel).
Je suis accueilli par un homme, qui s’éponge le front. Ne me demande rien. Il
dit « on a failli brûler ! » Je comprends qu’il commence à me
relater un événement ancien. « Non, là, il y a moins d’une heure, il y a
eu le feu. Heureusement les pompiers sont vite arrivés ! » Essoufflé.
Je lui demande si je peux toutefois visiter la Maison. Oui, bien sûr.
C’est
une véritable demeure dont l’esprit même est tourné vers l’art. Une maison
construite au début du 18°. Abd El-Tif l’achète et sa famille la conserve
jusqu’à l’invasion française.
Aujourd’hui,
ce beau palais accueille, à la manière de la Maison Médicis en Italie, mais à la renommé moindre, faut pas exagérer, des
artistes de tous bords. Ses nombreuses pièces sont occupées aujourd’hui par un
seul exposant, le miniaturiste Hachemi Ameur. Le sympathique Aïssam m’en fait
visiter toutes les pièces qu’il commente avec malice. Ainsi me montre-t-il une
illustration, persifleur : « Hadi c’est pour dénoncer ceux qui ont
fui et renié le pays, "Ma yenkar aslou ghir el bghal'' ». Moi : « ils ont fui, mais tous n’ont pas
renié le pays ! » Notre ami réajuste son propos « Non, pas
tous… » Devrais-je lui raconter ma vie ? Je suis d'autant vexé que ce n'est pas la première fois que j'entends ce type de réflexion, faisant accroire que tous ceux "qui n'ont pas fui" ont courageusement lutté contre les "islamistes, intégristes, terroristes..." et tous les istes imaginables. Diantre. Cela ne m'étonnerait guère qu'ils se mettent à réclamer des cartes d'anciens (nouveaux) combattants... Bref. Un personnage de Maalouf dirait non sans malice (Les Désorientés): "lâcheté de ceux qui partent, et mains rouges de ceux qui restent"... Passons.
Je
reprends la pente… direction Le Makam Chahid, Le Mausolée du Martyr, le Musée
du Moudjahid, celui de l’Armée… Ce n’est plus une foule, mais un fluide
continu, une marée humaine… Dans le musée de l’Armée on avertit « Il est
interdit de prendre des photos. Rangez vos portables ! » Le hall
d’entrée et la rotonde sont occupés (squattés) essentiellement par tout ce qui renvoie à Boumediène :
photos, cigares, pièces de monnaie, pièces de collection offertes par
l’empereur Haïlé Sélassié et par Anissa, une DS 21 « Véhicule personnel du défunt
président », avec cette immatriculation toute moderne
« 366.172.16 ». Une statue en pied de plus de deux mètres, trône bien
en vue « Jughurta. Roi de Numidie ». En tout petits caractères, sur
un côté du socle cette signature, M. Konieczny, 84. Très probablement le
sculpteur polonais, Marian Konieczny, l’auteur de la belle « Warsaw
Nike », le mémorial des Martyrs polonais. Il y a d’autres statues comme
celle de Abdelmoumen Ben Ali le fondateur de l’Etat Almohade, de Barberousse,
et à l’étage de Massinissa, de Syphax, de Macypsa, de Juba père et fils, de
Takfarinas… J’en sors, exténué. Vivement le centre-ville et un
rafraîchissement.
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