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dimanche, novembre 22, 2015

518_ Il pleut sur Marseille comme il pleure dans nos coeurs








Il pleut et vente sur Marseille comme il pleure et vente dans son cœur, le mien, le vôtre. Il ne fait pas beau donc. Une atmosphère étrange règne sur la ville en cet avant dernier samedi de novembre, une semaine après les attentats de Paris et de St-Denis. Les chaussées ne sont pas chargées de voitures, ni les trottoirs de promeneurs. Marseille est réputée pour sa gouaille son vacarme et sa joie exprimés hautement et sans ambages. Mais là, à quinze heures passées, elle semble bizarrement repliée sur elle-même. 


Devant "La belle équipe"_ 92 rue de Charonne- 11°_ Le 15 nov 2015 par "Best-Image" (c)
Marseille s’est métamorphosée. Paris et sa banlieue, son adversaire et rivale éternelle, est endeuillée et les Marseillais s’associent à la douleur, nationale, et plus encore. Pleinement. La grande place de la Plaine et le quartier Saint-Julien sont étonnamment calmes. Pas de musique. Les enfants ont disparu et les manèges tournent à vide. Dans les bars on échange des banalités. Les vendeurs du souk de Noailles sont solidairement silencieux, tout comme les clients français, comoriens, africains, maghrébins...

Je suis attablé à l’intérieur du filiforme café Prinder. Le nectar divin saupoudré aux senteurs du marché et à l’atmosphère singulière fait remonter des images lointaines, à ma mémoire. Cette atmosphère étrange je l’ai vécue il y a une vingtaine d’années comme des millions d’Algériens. Je vivais alors non loin d’Oran. Les rues étaient en certaines périodes vides. La menace était bien plus proche, bien plus présente, et bien plus lourde, surtout après l’assassinat du président Mohammed Boudiaf en juin 1992. Une menace directe, qui pouvait s’exprimer à tout moment et en tout lieu. Elle pouvait jaillir de toute part. Les islamistes intégristes étaient largement responsables, dans leurs discours comme dans leurs actes, mais seuls les intellectuellement malhonnêtes (et il y en a) évacueront la culpabilité de certains responsables de secteurs de la sécurité de l’Etat et autres commanditaires flirtant dans le giron des rouages officiels. On ne savait pas toujours d’où venait la menace. Retenue et pudeur m’interdisent de parler de ma propre personne, de mes proches. Des médias étrangers, français notamment, des émissions et livres (lire entre autres les confessions de Saïd Mekbel à Monika Bergmann) ont suffisamment montré que des manipulations hautement désastreuses se tramaient alors au sommet de l’Etat (de non-droit) et à sa périphérie, pour maintenir les Algériens sous un certain degré de terreur. Notre exigence d’un Etat de Droit, principe intangible d'un Etat démocratique, était assimilée, par les tenants de la terreur d’Etat et leurs sbires (« s’il faut éradiquer trois millions d’Algériens, nous éradiquerons trois millions d’Algériens »), à une capitulation. Je ne ferais pas de comparaison, nécessairement grossière, entre les responsables algériens et français, dans la gestion à la fois de leurs espaces de pouvoir et des drames vécus par les citoyens. Il ne s’agit ici nullement de quereller quiconque, ni de dédouaner les islamistes intégristes, tant s’en faut, et Dieu me garde. Vingt années plus tard, il pleut et vente sur Marseille retrouvée et dans le verre que je repose. Une atmosphère étrange pèse sur la ville morte, une semaine après les attentats qui ont fait près de 400 blessés et 130 morts dont : Amine I., Charlotte M., Djamila H., Elif D., Emilie M., Gilles L., Guillaume B-D., Halima S., Juan Alberto G., Justine D., Kheireddine S., Lola O., Nick A., Nohemi G., Précilia C., Stéphane A. et tant d'autres. 130. Avec ou sans haine, nos coeurs ont tant de peine.

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