Devant "La belle équipe"_ 92 rue de Charonne- 11°_ Le 15 nov 2015 par "Best-Image" (c) |
Je
suis attablé à l’intérieur du filiforme café Prinder. Le nectar divin saupoudré
aux senteurs du marché et à l’atmosphère singulière fait remonter des images
lointaines, à ma mémoire. Cette atmosphère étrange je l’ai vécue il y a une
vingtaine d’années comme des millions d’Algériens. Je vivais alors non loin
d’Oran. Les rues étaient en certaines périodes vides. La menace était bien plus
proche, bien plus présente, et bien plus lourde, surtout après l’assassinat du
président Mohammed Boudiaf en juin 1992. Une menace directe, qui pouvait
s’exprimer à tout moment et en tout lieu. Elle pouvait jaillir de toute part. Les
islamistes intégristes étaient largement responsables, dans leurs discours
comme dans leurs actes, mais seuls les intellectuellement malhonnêtes (et il y
en a) évacueront la culpabilité de certains responsables de secteurs de la
sécurité de l’Etat et autres commanditaires flirtant dans le giron des rouages
officiels. On ne savait pas toujours d’où venait la menace. Retenue et pudeur
m’interdisent de parler de ma propre personne, de mes proches. Des médias
étrangers, français notamment, des émissions et livres (lire entre autres les confessions
de Saïd Mekbel à Monika Bergmann) ont suffisamment montré que des manipulations
hautement désastreuses se tramaient alors au sommet de l’Etat (de non-droit) et
à sa périphérie, pour maintenir les Algériens sous un certain degré de terreur.
Notre exigence d’un Etat de Droit, principe intangible d'un Etat démocratique,
était assimilée, par les tenants de la terreur d’Etat et leurs sbires
(« s’il faut éradiquer trois millions d’Algériens, nous éradiquerons trois
millions d’Algériens »), à une capitulation. Je ne ferais pas de
comparaison, nécessairement grossière, entre les responsables algériens et français,
dans la gestion à la fois de leurs espaces de pouvoir et des drames vécus par
les citoyens. Il ne s’agit ici nullement de quereller quiconque, ni de
dédouaner les islamistes intégristes, tant s’en faut, et Dieu me garde. Vingt
années plus tard, il pleut et vente sur Marseille retrouvée et dans le verre
que je repose. Une atmosphère étrange pèse sur la ville morte, une semaine
après les attentats qui ont fait près de 400 blessés et 130 morts dont :
Amine I., Charlotte M., Djamila H., Elif D., Emilie M., Gilles L., Guillaume
B-D., Halima S., Juan Alberto G., Justine D., Kheireddine S., Lola O., Nick A.,
Nohemi G., Précilia C., Stéphane A. et tant d'autres. 130. Avec ou sans haine, nos coeurs ont tant de peine.
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