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vendredi, janvier 31, 2025

892_ USHUAIA_ 11_ El Calafate – San Carlos de Bariloche


(du 27 janv au 30)

Le manque de temps combiné à la précipitation et à l’organisation, nous n’avons pas pu enregistrer Manu, notre manager et guitariste déjà apprécié. Il est argentin, ne parle pas le français mais on s’arrange avec l’espagnol et l’anglais qu’il maîtrise beaucoup mieux que nous pour parler entre autres de musique. Il a été de toutes les présences et sa gentillesse vaut le reste. Gracias Manu ! A propos de langue, nous avons entendu plusieurs fois parler le français dans les rues de El Calafate. Aussi nous engagions la conversation avec le risque de tomber parfois sur des imbéciles comme celui qui, une sorte de Dalton Joe et Avrell réunis en un, alliant méchanceté et bêtise. Le dit type, avec un regard de hyène, perçant et méchant à la fois répliqua à notre « tiens, des Français, bonjour ! », répliqua donc sèchement « ouais… Bonjour » comme s’il était sur le point de perdre ses quintaux de balluchons de conneries. Nous en somme restés là. Notre silence a dû l’achever. Mais d’autres fois, nous avons eu d’agréables surprises, ainsi, dans le rayon des fruits et légumes de la célèbre supérette Anonima, cette jeune femme (rejointe par son mari) qui nous a abordés avec un « j’entends français, ça va ? » et la discussion s’entame et dure longtemps malgré nos charges respectives de bananes, de légumes, de boites de conserve et autres boissons… Ils en ont vu du pays en Amérique latine, d’Ushiuaïa au Brésil, du Péou au Chili… voyageant le plus souvent en avion, et vivant parmi les populations locales. Là ils étaient sur le point de s’installer ici en Argentine, mais « l’inflation qui a augmenté de 50% en un an ! » est telle, qu’ils ont dû renoncer à leur projet… On a échangé sur les voyages et leur préférence pour l’hébergement en Airbnb… « À bientôt peut-être ». Nous avons même eu quelques mots avec des syndicalistes qui tambourinaient sur la place, en face de ladite superette. La majorité des vacanciers, Français ou non sont d’un prime abord positif. Mais les cons ça existe comme dit V. On s’est quittés sur ces mots et les outrances de Javier Milei. Des rencontres, il y en aura d’autres, mais beaucoup moins pénibles que celle de cet abruti de Français, coincé, comme cette autrichienne rencontrée à la résidence d’hébergement qui se prenait pour Indra Dévi, n’hésitant à montrer ses élucubrations à tout le voisinage, éberlué. À l’opposé, dans la cuisine, une jeune colombienne, les pieds sur terre, nous propose d’écouter sa musique préférée, « Sirù Giran et leur « La grada de las capitales »…, classée 17° de l’histoire du rock argentin par le magazine Rolling Stone nous dit-elle. On apprécie. Le soir on prend un dernier verre au « Patagonia ». Les employés arborent des maillots au dos desquels on peut lire « El Mundo necesita más refugiados ». L’engagement est parfois enfoui dans des lieux insoupçonnables.

 

Le lendemain, après donc le Parc national Torres del Paine et le glacier Perito Moreno on était – déjà – comblés – on prend l’autocar en direction de Bariloche, une ville à plus de mille kilomètres au nord, nord-ouest d’El Calafate. Le temps est frais, beau. Le ciel est partiellement dégagé.

De temps à autres, de grands blocs de pierre partiellement blancs comme s’ils avaient été recouverts de farine ou de peinture de même couleur. Il s’avère que ce sont des roches calcaires ou de sédiments marins qui sont la cause de cette couleur. En d’autres lieux, sur des roches imposantes, des cairns sont montés, et je pense aux Inukshuks du Grand Nord Canadien que nous avons observés au début de la dernière décennie, notamment sur la route d’Inuvik. Les montagnes aux cimes enneigées de la Cordillère plongent dans les lacs Argentino et Viedma. Les nuages semblent les traverser et cela donne une étrange sensation. C’est alors qu’apparaît le plus beau de tous les villages que nous avons vus. El Chalten (moins de 3000 habitants). C’est un bourg qui se situe au creux du mont Fitz Roy. Il est plus jeune que moi. À peine la quarantaine. Il a été fondé par les autorités argentines, à une période électrique entre les deux voisins, pour surveiller la zone limitrophe du Chili. Aujourd’hui le village est internationalement réputé, surtout par les trékeurs (trékistes ?) et alpinistes. Une poste, un DAB bancaire, une pharmacie, un mini-market, des campings et hôtels, enfin, des restaurants et cafés forment son ossature. C’est l’été et les randonneurs sont nombreux dès le matin.

 

L’autocar emprunte la longue, la réputée et mythique « Route 40 » (loin de la 66 américaine) sous un climat – pour l’heure très correcte, frais sans excès. Cette route, en partie non négligeable faite de piste est longue de plus de 5000 kms. Elle part de la Bolivie jusqu’à l’extrême sud de la Patagonie, « du Détroit de Magellan au Tropique du Capricorne », en traversant plusieurs provinces comme celles de Rio Négro, de Santa Cruz et villes comme Puerto Natales, Perito Moreno, Bariloche, Mendoza… Elle parcourt d’anciens chemins incas et longe plus d’une dizaine de lacs…

Sur de longues distances la route, très caillouteuse, n’est pas goudronnée, ce qui ralentit beaucoup notre voyage. On passe de 90 km à l’heure à 20 puis inversement. Plusieurs fois. Nous avons par-dessus le marché une panne de climatisation. Nous avons passé une nuit dans le Taqsa Marga  complet sans clim, mais sans trop de gêne (la nuit) pour les occupants de l’étage inférieur de l’autocar (onze sièges) contrairement à ceux du haut ( 31 sièges). Une française s’en est plainte en plaisantant. Nous avons échangé à propos du niveau de vie en Argentine et glissé sur la France et ses politiques économiques exclusives du grand patronat et exécutées par ses gouvernements. À la suite de ces échanges, une autre française a cru bien faire en nous offrant avec une grande délicatesse, ce qu’elle finissait de lire et que je n’oserai qualifier : deux hebdomadaires, « Franc-Tireur » et « Charlie-Hebdo » auxquels elle ajoute un roman gnangnan et sympathique « Le tourbillon de la vie ». J’ai modifié cette phrase après avoir parcouru le roman. Le premier journal est détenu par le milliardaire tchèque Kretinsky avec à sa tête rédactionnelle Einthoven le philosophe, très proche du sulfureux BHL. Le fils de son père, né avec une cuiller d’argent, est aussi écrivain, auteur de « Le temps gagné », un « roman-bourbier » l’a qualifié Camille L une très célèbre écrivaine française. C’est un « Philosophe d’agrément et pourfendeur appointé de la gauche radicale, il n’hésite pas à nier la réalité de la politique du gouvernement israélien. » (Politis). J’aurais précisé « gouvernement génocidaire israélien ». Il a dit de LFI (l’honneur des classes populaires et des minorités allogènes ou « issues de ») que c’est un groupement « détestable, violent, complotiste et passionnément antisémite ». Les passionnément LFI sont pourtant très nombreux. Ce journal a été accusé de plagiat et Fourest de « limite xénophobe et islamophobe notoire » et de menteuse (« Le Vertige MeToo »). Il et elle bataillent durement comme cul et chemise contre la gauche des quartiers populaires sous couvert de lutte contre l’islamisme. La belle affaire (ou ruse alibi) ! L’islamophobie abjecte à peine voilée de Charlie-Hebdo n’est plus à démontrer, je ne m’y attarderai pas. Passons car je risque de tartiner un heure durant. En échange de ce geste sympathique de la Française j’offre mon petit essai « L’Arabe dans les écrits d’Albert Camus ». J’ai d’autres écrits, romans, mais ils sont dans la soute à bagage…Une autre voyageuse, une kurde nous renvoie à des considérations plus légères…

À l’autre bout de la terre, Free nous indique « Bienvenue au Chili ». Nous n’y sommes pas du tout, mais « money is money », Free triture les frontières pour les rapprocher de nous (en pleine Argentine) et par conséquent pour nous faire payer la sauce car il n’y a pas d’accord entre Free et le Chili pour utiliser gratuitement l’Internet comme pour l’Argentine (jusqu’à 35 GO gratuits/ ou plutôt inclus dans notre forfait).

Tôt à l’aube on arrive au sud de l’Estancia Noeva Lubecker, dans la matinée à Esquel, el Bolson – et ses forêts cramées par le feu- et enfin nous arrivons en fin d’après-midi (arrivée prévue à 13h30, mais retardée à cause de plusieurs problèmes techniques liés à la climatisation), à 17h30 dans la belle ville de San Carlos de Bariloche (prononcer barilotché) désignée comme « la petite suisse argentine » pour ses chalets et chocolat produits localement. Nous arrivons sous un ciel couvert, plein de brume de chaleur. Revenus de nos fatigues, nous trainons nos guêtres dans le centre-ville, plutôt animé de Bariloche sous un soleil de plomb. Sur les quelques plages de sable et de rochers, nombreux sont les résidents (et peut-être non-résidents aussi) en maillots de bain. Quelques-uns nagent, d’autres s’amusent en skysurfing. Les restaurants et boutiques artisanales font le plein aussi, sans bousculades. Bariloche est une ville plaisante agrémentée par des montagnes de la cordillère des Andes plantées tout le long du lac Nahuel Huapi, « l’île des jaguars » pour les Mapuches ou Araucans, parmi les populations premières du continent, aujourd’hui complètement (ou presque « assimilées »). Certains ont créé un vrai business autour de roads-trips autour de la route 40 et de ses résidents Mapuches, au cœur (disons-le comme ça) de la Cordillère des Andes.

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dimanche, janvier 26, 2025

892_ USHUAIA_ 10_ Puerto Natales – El Calafate

 

 

À six heures ce 21 janvier matin, le Terminal est pris d’assaut. Plus d’une dizaine d’autocars s’apprêtent à prendre la route vers Torres Del Plaine, El Calafate, Punta Arenas, El Chalten ou Rio Gallegos.

Nous prenons place (n° 63-64 à l’étage, au fond à droite du luxueux « Turismo Zaahj ») pour El Calafate, à 355 km d’ici et cinq heures de trajet. Le temps est brumeux, à peine s’il fait frisquet. La climatisation embue les vitres. À 8 heures nous atteignons, Cerro Castillo, la frontière. Le no-man’s land que nous traversons n’est pas goudronné. Poussière, nids de poules et compagnie. Les champs clôturés, des exploitations, sont immenses, vides d’arbres ou si peu. On y voit des troupeaux de beaux gros moutons argentins, des lincas, des chevaux, des vaches. On arrive à El Calafate, à la grande auberge, vers midi. El Calafate est un gros village, moins typé. Depuis 2001, avec la construction d’un aéroport, il a explosé. Aujourd’hui, transformé, il compte 25 000 habitants. Ses habitations sont horizontales, peu de bâtiments en dur. Comme dans les autres villes, beaucoup de maisons sont faites de tôles et de bois. Et comme dans les autres villes, les chiens, parfois, s’en prennent à des voitures en pleine ville, courent après elles en aboyant. Les chiens en Argentine (comme au Chili) sont très nombreux dans les rues. Ils ne sont pas du tout agressifs et vivent en bonne harmonie avec la population qui les protège. On les trouve souvent allongés près d’un commerce ou d’une habitation. Parfois des gens les caressent, leur parlent même. Ou leur donnent à manger. On a aussi l’impression qu’ils ne sont pas tout à fait abandonnés, gros comme ils sont. Pour revenir aux chiens coureurs, nous avons pensé qu’ils n’aiment pas leurs congénères lorsqu’ils sont transportés. Car dans les véhicules poursuivis il y a souvent des chiens, qui aboient aussi. Mais il arrive qu’il n’y en ait pas. Nous ne comprenons pas très bien, et nous n’avons pas eu à ce jour de réponse à nos interrogations. Il y a ici des rues et même des champs entiers de plantes, notamment de lavande (eh oui) et de marguerites. Partout. Plus encore dans la belle réserve (type Camargue)  « Reserva ecologica municipla Laguna Nimez » que nous avons visitée. Elle se trouve devant notre résidence et s’ouvre sur le Grand lac Argentino. Le cœur de la ville ressemble à n’importe quel autre lieu très touristique avec ses cafés, bars, restaurants, boutiques de souvenirs (et de maté !) et autres vêtements. Les touristes sont locaux, Chiliens, Brésiliens et Européens. 

-     And you, where you com from ?

-     Francia y Algeria

-     Algeria ? oh ! 

Tous ces touristes sont ici à El Calafate essentiellement pour le Perito Moreno et El Chalten. Mais qu’est-ce que ? De hauts lieux, très hauts lieux de Trek et de glaciers. Le Perito Moreno est plus proche. À 50 km environs de route en lacets. Et de montagnes. Le climat nous dit la guide est différent selon que l’on se trouve sur les monts à gauche, secs ou à droite avec beaucoup de végétation et froid.

 

Le Perito Moreno, dont la surface s’élève à 250 km2, est avant tout un glacier dans la région de Santa Cruz (ici-même donc). Il achève une calotte glaciaire de 16 000 km2 à cheval entre l’Argentine et le Chili. Paroles de Routard. Son nom renvoie à un explorateur français, un « expert » (périto) du nom de François Moreno. Un glacier bien vivant. Si les dunes de Béni Abbès ou de Timimoun chantent lorsque ses milliers de grains de sable se laisse glisser vers le sol, le glacier de Perito Moreno lui, claque comme un pétard, un coup de fusil dans la vallée. On a l’impression qu’un pan va s’écrouler. Et nous ne sommes pas seuls. On le devine aux nombreux touristes (peu attentifs à la préservation de la nature – l’écroulement-réchauffement…) qui, au moment même où on entend se claquement terrible, se redressent avec leur appareil-photo prêts à immortaliser un effondrement de mur. Mais il n’en a rien été. Le glacier demeure debout tel un roc fait d’eau, inouï. Le temps change aussi rapidement qu’on prend un verre. En l’espace d’une demi-heure on peut avoir un temps chaud puis froid puis venteux et pluvieux, voire diluvien. On ne sait comment s’habiller. Les locaux eux le savent. Ils sont bras nus en T shirt quel que soit les caprices du temps. Une partie du glacier est d’un blanc radical. Ici et là des traces marron qui s’apparentent à de la pollution mais qui n’en est pas « c’est un phénomène naturel ». Ailleurs des parties recouvertes d’un bleu extraordinaire, pur, translucide, diaphane.

Voyons les photos et vidéos…

 




El Calafate Le glacier Perito Merino - 25 janv 2025














































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« Les Patagons ne furent sans doute jamais très nombreux, au regard surtout de l'immensité de leur territoire. Mais ils existaient. Qui étaient-ils? Dans les plaines de la Patagonie continentale, et sur celles de la grande île de la Terre de Feu qui la prolonge, vivaient seuls, avant l'arrivée de Magellan à l'ouvert du détroit, des Indiens appartenant à deux groupes géographiquement, ethniquement aussi, très voisins : les Patagons proprement dits (Tehuelche, Indios Pampas, etc.) sur le continent et, dans la grande île, les Haush et les Ona. Une race assez belle, et vigoureuse, si proche de sa nature et par ses modes de vie des Indiens Peaux-Rouges de l'Amérique du Nord que les ethnologues ont voulu voir dans le peuplement de l'extrême sud du continent américain l'étape dernière de la grande migration qui, de la Sibérie et à travers le détroit de Behring, poussa des populations de l'Asie à « coloniser » le continent voisin : les deux Amériques. Les Patagons de la Pampa n'étaient nullement les géants dont les marins espagnols, à leur retour, tentèrent de confuses descriptions. L'examen des ossements trouvés dans de nombreuses tombes et les mensurations faites des Tehuelche survivant au début de ce siècle ont montré qu'ils étaient de belle taille, bien proportionnés et de constitution robuste. C'est seulement au fait qu'hommes et femmes s'enveloppaient les pieds de peaux de bêtes formant une sorte de mocassin grossier et laissant ainsi dans le sable des grèves de vastes empreintes, que les « Patagones » — les hommes aux grands pieds — durent le nom qui leur est resté. A la suite d'Alcide d'Orbigny, un des ethnologues qui procédèrent à des mensurations d'Indiens des plaines constata, à sa grande surprise, que le pied de certains d'entre eux était relativement petit par rapport aux dimensions du corps! Nomades comme les Peaux-Rouges, guerriers comme eux, à l'occasion, quand des rivalités opposaient des tribus l'une à l'autre, ils vivaient, eux aussi, presque exclusivement de chasse, le bison du Nord étant remplacé dans ces plaines du Sud, par le guanaco, un camélidé proche de la vigogne, et par une autruche de taille moyenne, la rhea ou nandu. La chair des guanacos et des autruches assurait à l'Indien sa subsistance; la fourrure des uns et les plumes des autres lui permettaient de vêtir son corps et de le parer. Ces nomades et la meute de leurs chiens s'abritaient sous des tentes, ou, plus exactement, sous des peaux de bêtes dont ils dressaient l'écran sommaire contre les vents dominants. Les armes de la chasse et de la guerre étaient la lance et l'arc; une arme de jet aussi, très ancienne et propre à ce peuple : les bolas — deux ou trois boules de pierre, d'abord, puis de métal, réunies à un lasso; lancées sur l'animal chassé, elles l'enveloppaient de leur tourbillon tandis que la lanière se liait à ses membres et arrêtait sa course. Avec les Espagnols, le cheval fit son apparition sur le continent qui l'ignorait; les chasseurs indiens l'adoptèrent aussitôt, et bientôt on ne vit plus Tehuelche et Indiens Pampas, hommes et femmes, que montés et nomadisant d'un rio à l'autre, ou galopant, bolas au poing, à la poursuite d'une harde de guanacos, d'un couple d'autruches, ou d'un puma en maraude. »

 

Jean Delaborde (1901-1997)

PATAGONIA

Mes voyages en Patagonie, en Terre de Feu, au cap Horn et au détroit de Magellan, de 1958 à 1981

Éd. Robert Laffont - Paris- 1981

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